Les chroniques de Pierre Grumberg


Pierre Grumberg était le rédacteur en chef adjoint du périodique Golden, consacré au monde Apple et au compatibles Macintosh. Dans bon nombre de numéros de ce journal, il publiait une chronique et m'a gracieusement autorisé à vous les faire partager. Je vous propose ici chacune de tous les numéros de Golden que je possède.


Avis : les textes proposés ici sont la propriété exclusive de leurs auteurs. Ils sont ici pour votre divertissement, veuillez respecter leur travail. Si le propriétaire d'une des oeuvres en fait la demande, le fruit de son travail sera immédiatement retiré. Cependant, je me permets de signaler que le but de ce serveur est de promouvoir, et non d'exploiter le travail de ces artistes.


Au programme :

11/1994 - Numéro 25 : Hier soir, un Mac a brisé mon coeur
12/1994 - Numéro 26 : Mac le maudit
01/1995 - Numéro 27 : Y'a pas de miracle
02/1995 - Numéro 28 : Les raisons de la colère
03/1995 - Numéro 29 : Quel est le sexe de votre Mac ?
04/1995 - Numéro 30 : Le multimédia donne soif
05/1995 - Numéro 31 : Toto.22@Asnières.fr
06/1995 - Numéro 32 : La manière la plus moderne de (ne pas) commander des caleçons
07/1995 - Numéro 33 : Tranches de mort
09/1995 - Numéro 34 : Internet, c'est cyberfacile
10/1995 - Numéro 35 : Rentabilisez vos angoisses
11/1995 - Numéro 36 : Ne faites pas partager vos passions
12/1995 - Numéro 37 : BeBox, c'est plus fort que toi
01/1996 - Numéro 38 : Dormez serein, Mac cotise pour vous
02/1996 - Numéro 39 : Confession virtuelle
03/1996 - Numéro 40 : Du Chaos au Ko, en passant par l'existence de D.
04/1996 - Numéro 41 : Pour devenir Maître du Monde
05/1996 - Numéro 42 : La méfiance du taxi n'ébranle pas l'Internet
06/1996 - Numéro 43 : Jamais perdu sur la route grâce à Alice et à un PowerBook

Bonus ! Dernière de P.G. à MW (inédit) : Sur la route de Varennes

 

 

Numéro 25 (novembre 1994) : Hier soir, un Mac a brisé mon coeur

"Qu'est-ce que tu fais dans la vie ?" demandent les filles innocentes après lesquelles je cours dans les soirée mondaines. "Journaliste", réponds-je, évasif. Mais il y a toujours un abruti qui précise "Oui, tu sais, c'est lui qui travaille dans un canard informatique". Le crétin. Après quoi, je suis Monsieur Azerty et tout est foutu.
Hier soir, pourtant, je ruminais un vieux saint-émilion vautré sur la banquette trois places dans une fête quelconque, quand Victorine a brusquement envahi le coussin du milieu, avec ses jambes en soie et sa mine alanguie. "Tu sais, je viens d'acheter un ordinateur", qu'elle a fait. Bien entendu. Ses yeux noisette ont pourtant jeté à bas le rempart de ma mauvaise humeur. "Alors ? C'est quoi ?", ai-je rétorqué avec un joli sourire. "C'est un pécé." "Pourquoi un pécé ?" "Parce que mon copain m'a dit que c'était le mieux. Quoi, c'est pas bien ? Faut que je change pour un mac ?" "Nan, j'ai dit, change plutôt de mec."
Je me suis trouvé assez fier de ma répartie mais le saint-émilion a quand même pris un goût amer.

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Numéro 26 (décembre 1994) : Mac le maudit

15 h 30 : "Allô ! Apple ? Dites, je viens d'acheter un Mac et je ne comprends pas pourquoi la touche Delete ne fonctionne pas. (un temps)
- Bien. Redémarrez en zappant la pérame et ça devrait marcher."
16 h 42 : "Allô ! Apple ? Dites, j'ai bien zappé la pérame mais mon écran est bizarre, c'est tout flou. (un temps)
- Bon redémarrez en désactivant le tableau de bord Moniteurs et ça devrait marcher."
17 h 33 : "Allô ! Apple ? J'ai bien enlevé le tableau de bord Moniteurs mais maintenant l'écran fume un peu. (un temps)
- C'est pas grave. Réinstallez un système tout neuf et ça devrait marcher.
18 h 18 : "Allô! Apple ? Ici le service des urgences de l'hôpital Saint-Louis. Dites, y a la touche Delete du Mac de la salle d'opération qui marche plus. Dépêchez-vous parce que j'ai un client très amoché qui agonise sur un brancard. (un temps)
- C'est lui qui vous a donné le numéro de la hot-line ?
- Oui, pourquoi ? (encore un temps)
- Rien de grave. Débranchez l'assistance respiratoire et attendez dix minutes que l'électroencéphalogramme soit bien plat. Ensuite, redémarrez le Mac et ça devrait marcher."

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Numéro 27 (janvier 1995) : Y'a pas de miracle

L'autre jour, je croise dans la rue mon pote Bébert, qui avait l'air tout excité. "Alors là, alors là, c'est génial, toi qui bosses chez Apple (il confond mais c'est pas grave), tu dois déjà être au courant." "D'où viens-tu donc ?", lui dis-je. "Je viens tout droit de chez Paulo. Il s'est acheté une bécane, alors là tu tombes sur le cul. L'image animée plein écran, une qualité d'animation comme t'en as jamais vue, le son stéréo... Tu peux lancer plusieurs programmes multimédias en même temps et passer de l'un à l'autre, hop ! Et alors, le mieux, c'est que tout fonctionne avec une télécommande. Le Mac se pilote depuis le plumard ! C'est gé-nial." "Bof, j'ai dit, histoire de ne pas perdre la face. Tout ça n'a rien de terrible. C'est tout simplement une carte de compression-décompression MPEG, combinée à QuickTime 2.0."
Comme tout de même je sais pertinnement que tout cela ne marche pas encore, j'ai couru chez Paulo. "Dis donc, je lui ai demandé. Je viens de croiser Bébert, ta superbécane multimédia l'a scié en deux. Je peux voir ?"
J'ai vu. L'écran de Paulo est au SAV depuis trois mois. Le Mac sert juste à caler la télé.

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Numéro 28 (février 1995) : Les raisons de la colère

Alfred, très en colère, croisé dans un couloir du RER :
"- L'autre jour, je veux changer de bagnole. Le vendeur m'annonce la sortie d'une version turbo, qu'il me propose à prix canon, en échange de ma rossinante. J'attends quelques semaines et voilà que la voiture m'est livrée avec un sticker rouge "Voiture à moteur turbo" sur le capot. Bon. A côté, y'a un autre sticker, bleu, qui dit : "Nouveau moteur version 6.0 pour propulsion normale et turbocompressée !"
- On le saura... dis-je
- Tu parles, reprend Alfred, tu oublies le tract sous l'essuie-glace : "Utilisez le bon inclus dans la boîte à gants pour obtenir la version turbocompressée !" J'ai hurlé mais je l'ai posté. Une semaine après le concessionnaire m'annonce que la version turbo n'est pas encore construite. Donc, je fonce chez lui et je lui fais bouffer la roue de secours.
- Il l'a mérité. Et après ?
- Je me suis senti mieux. Mais je suis rentré chez moi à pied. Bon sang, le marché auto, c'est vraiment n'importe quoi. T'as du bol de bosser dans l'informatique."

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Numéro 29 (mars 1995) : Quel est le sexe de votre Mac ?

Le Mac de Jean-Pierre est à n'en pas douter une fille. "Ma bécane me plante pour un oui ou pour un non, au moment où j'ai le plus besoin d'elle. Un jour, elle ronronne. Le lendemain, elle m'envoie paître. Pourtant, je le jure, je n'ai rien changé à mes habitudes ! Et alors pour avoir des explications, je peux toujours courir. Malgré tous ses caprices, je l'aime."
Pour Sophie, "Macintosh HD" ne peut être qu'un garçon. "Un mac, c'est comme un gars dans une cuisine. Il faut tout lui dire, il est incapable de se débrouiller tout seul. Dès qu'il sait pas faire, il appelle sa mère : "ding !" En plus, bonjour le fanfarron. Sur le papier, vas-y que je t'aligne les méga-octets, les mégahertz, les mégamachins. Mais quand il s'agit de passer à l'acte, alors là, y a plus personne... Des muscles, oui, mais pas de cervelle pour s'en servir."
Pour savoir de quel sexe est mon Mac, je lui ai logé quatre plombs de 9 mm dans le capot. "Quoi de mieux pour trancher, pensais-je, que l'avis du médecin légiste ?"
Mais la PJ n'est pas venue. Mon Mac est donc une chose, une saloperie de putain de chose.

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Numéro 30 (avril 1995) : Le multimédia donne soif

Dimanche 30 janvier. Je suis rentré la veille au soir avec mon lecteur de CD-ROM. Manque de pot, il n'y a pas de câble dans la boîte pour le connecter au Mac. Bon, j'attendrai dimanche prochain.
Dimanche 6 février. Fébrile, j'introduis la Multimedia Encyclopedia of Insects dans le caddie. Mais je me suis fait avoir, c'est un CD pour PC. On verra dans une semaine.
Dimanche 13 février. J'ai découvert qu'on pouvait passer des CD audio sur le Mac. Du coup, je passe le week-end devant l'écran à piloter l'intégrale de Simon et Garfunkel. Artémise, ma voisine de palier, est très impressionnée. A son avis, ces gars-là vont aller loin.
Dimanche 20 février. Je me suis collé une ophtalmie à trop regarder le coucher de soleil sur la villette hier soir. Je suis interdit de Mac pour une semaine. C'est dommage, parce que j'avais acheté un super CD-ROM sur l'oenologie.
Dimanche 27 février. Après trois heures à passer en revue les meilleurs crus bordelais, j'ai une petite soif. Devant la vacuité de ma cave, je me pose sérieusement la question. Et si le multimédia n'était qu'une vaste escroquerie ?

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Numéro 31 (mai 1995) : Toto.22@Asnières.fr

Internet est un merveilleux moyen de communication entre les hommes. Par exemple, dans ma boîte, j'ai deux potes cybercinglés qui ne jurent que par le Net. Pendant deux ans, Paul et Robert se sont croisés dans l'ascenseur sans se parler. Et puis, un jour, ils se sont rencontrés sur un forum consacré au laquage des canards dans la tradition culinaire sétchouanaise : coupe de foudre. Un jour, je les ai invités par hasard tous les deux à déjeuner et la conversation a dérivé sur les vertus curatives du radis tibétain. Et hop ! Ils ont réalisé. "Ca faisait longtemps que je me demandais qui se cachait derrière ce fameux Chicken Curry !" a rigolé Robert. "Quand je pense qu'on bosse chacun à un bout de même couloir..." a ajouté Paul. Moi aussi, j'ai bien ri.
Depuis, avant de nous rendre à la cantine, nous échangeons un mail sur la messagerie d'entreprise qui passe simplement par l'étage d'en dessous sans transiter par les Philippines ou l'Ouzbékistan. Mais leur conversation a changé. Maintenant ils ne parlent plus que d'Internet.
Et moi, je m'emmerde.

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Numéro 32 (juin 1995) : La manière la plus moderne de (ne pas) commander des caleçons

Oh ! joie. La Redoute à Roubaix met son catalogue à l'heure du CD-ROM. Enfin, pas tout le catalogue, mais une ligne de produits seulement, et pas de lingerie féminine. A sa place, il y a des vestes reporter à 1452 poches. C'est ciblé, comme on dit. J'ai pourtant tenu à expérimenter, en exclusivité mondiale, la commande de caleçons pur coton bleu pâle par voie multimédia interactive. Comme rien n'est prévu dans l'application Mac pour communiquer avec un quelconque serveur, j'essaie le Minitel. Cette saloperie refuse mon code postal un peu zazou. Donc, je me rabats sur Redoutel, le service téléphone, qui rejette mon appel sur combiné à impulsions. Sur poste à commande vocale, une voix suave exige ensuite un numéro de client que je n'ai pas. En désespoir de cause, je recopie le contenu de l'écran Mac à la main sur le bon de commande en papier, que je faxe. Une semaine plus tard, je n'ai toujours rien reçu. La Redoute n'est pas équipée d'un logiciel de reconnaissance d'écriture capable de déchiffrer mes graffitis. La Redoute n'est vraiment pas moderne.

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Numéro 33 (juillet-août 1995) : Tranches de mort

La peine capitale par injection a cela de bien pratique qu'elle produit des cadavres en bonne santé. Joseph Paul Jernigan, exécuté le 5 août 1993 à Huntsville (Texas) disposait ainsi d'un "corps parfait", comme l'écrit innocemment le Chicago Tribune : 39 ans, pas trop gras du bide, blanc, donc, on l'a congelé et découpé en 1870 rondelles d'un millimètre d'épaisseur (chez nous, le bourreau se limitait à deux bonnes tranches, c'était plus sobre) que l'on a numérisées. Puis on a fabriqué un chouette corps virtuel, vendu 5000 francs sur CD-ROM pour le Mac des carabins.
Apparemment, la sortie de ce CD abject ne choque personne, ni la presse américaine, ni l'éditeur français qui l'a importé. Comme si le support numérique excusait tout, y compris la peine capitale. Aujourd'hui, l'édition multimédia est confiée à des épiciers électroniques façon Bill Gates. Peu familiarisés avec la technologie, les intellectuels et la critique en général perdent pied. Vu la qualité du message actuellement délivré par les maîtres du monde américains, il y a un risque qu'on y perde la tête. Encore des histoires de rondelles.

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Numéro 34 (septembre 1995) : Internet, c'est cyberfacile

Rien de plus simple que de se connecter à Internet. Procédez comme suit. En échange de votre chèque d'abonnement, vous recevez tout un fourbis de codes et une disquette PC inutile. C'est normal, pas de panique. Rendez-vous maintenant à la supérette pour remplir le frigo, puis appelez le Spécialiste (il y en a un dans votre entourage, cherchez bien). Une fois le Spécialiste à poste, laissez-le bricoler. Prenez soin simplement de l'alimenter en bière et sandwichs variés quand il grogne. Vous apprendrez que le script de connexion ne fonctionne que si on tape "Ogin" au lieu "Login" et "Assword" au lieu de "Password". Tout est normal. Maintenant, il doit être à peu près deux heures du mat' et le Spécialiste est très en retard pour son dîner. Mettez-le gentiment à la porte après vous être assuré que vous êtes connecté. Surtout, ne touchez plus à rien, ça pourrait planter ! Maintenant, il est temps d'épater les copines. Décrochez votre téléphone. S'il est occupé par le modem, c'est normal. La faute revient à votre imprévoyance, Internet n'a rien à voir là-dedans.
(avec mes remerciements amicaux à Stéphane et Isabelle)

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Numéro 35 (octobre 1995) : Rentabilisez vos angoisses

Il est temps de jeter l'éponge avec le CD-ROM de La Redoute. Je ne recevrai jamais les caleçons commandés il y a 6 mois. Mais l'affaire m'a fait réfléchir. Donc, le catalogue de La Redoute est gratuit, il offre l'intégralité des produits, l'accès à la page "caleçons" prend dix secondes, il contient des milliers d'images et il pèse 500 grammes. Le CD-ROM pèse 12 grammes, sa consultation implique de posséder pour une brique de matos, il ne donne accès qu'à la gamme Somewhere, arriver à la page "caleçons" prend dix minutes et il inclut une soixantaines de photos. Enfin, nec plus ultra, l'accès au serveur Web de La Redoute ne pèse rien mais coûte une brique de matos plus un modem et un abonnement Internet. Il décrit huit produits en autant de timbres-poste. Il n'y a pas de caleçons là-dedans et, pour le constater, j'ai dû payer une demi-heure de communication locale. Moralité : moins le service pèse, plus il coûte cher. D'où j'en déduis : primo, que le vide vaut de l'or et secundo, que le prochain saut technologique consistera à payer 100 francs la minute de connexion à une page blanche. Je m'en vais de ce pas déposer le brevet de cette idée merveilleuse : enfin je vais pouvoir rentabiliser mes angoisses !

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Numéro 36 (novembre 1995) : Ne faites pas partager vos passions

Donc, me voilà devenu par la force des choses un accroc d'Internet. Ne croyez pas que ce soit par plaisir. Non, je m'en sers comme d'une fabuleuse et irremplaçable source de documentation, un instrument de travail sans pareil. Je ne vous dis pas ça en l'air, faites-moi confiance : si vous lisez mes chroniques depuis quelques temps, vous devez savoir à quel point je déteste la technologie en général et l'informatique en particulier. C'est dire que vous avouer à quel point Internet m'est devenu indispensable me colle un douloureux cas de conscience. Si je vous affirme qu'Internet est une fabuleuse et irremplaçable source de documentation, ça va vous encourager à vous connecter. Et ce n'est pas du tout mon intérêt. Parce que chaque nouvel adepte va bouffer un peu de bande passante chez mon provider (le gars qui me vend l'accès) et par conséquent ralentir mes propres recherches. Et me coûter un max en téléphone. Internet, c'est merveilleux. Mais, surtout, ne vous abonnez pas, à aucun prix. Je vous remercie de votre compréhension.

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Numéro 37 (décembre 1995) : BeBox, c'est plus fort que toi

Le mois dernier, nous nous félicitions de la sortie d'une machine révolutionnaire baptisée BeBox. Outre son élégant patronyme, l'engin jouit d'une interface particulièrement conviviale et de performances décoiffantes. "Super, dis-je, tout guilleret. Quand c'est que je vais en avoir un ?" La réponse de son créateur de claquer, terrible : "Pour l'instant, cette machine ne s'adresse pas aux êtres humains normaux." Suis-je normal ? Bonne question à laquelle il m'est assez difficile de répondre. Dans le doute, j'ai accepté ma condition médiocrement standard et demandé au créateur de BeBox comment je pouvais faire pour devenir un peu anormal, juste assez pour avoir le droit d'écrire mes futures élucubrations sur sa fichue bécane. "C'est très simple, ami, a répondu le Monsieur. Il te suffit de programmer un traitement de texte." C'est comme si j'allais prendre l'avion et que l'hôtesse me tende en rigolant un tube de colle et un airbus en kit. Tout compte fait, je crois que je vais réintégrer le clan Vulgum PCus. Mais je souhaite bonne chance à BeBox et aux surhommes de bonne volonté.

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Numéro 38 (janvier 1996) : Dormez serein, Mac cotise pour vous

Vive les robots, disaient les enthousiastes en 1900. Libérés par la puissance de travail des machines l'Homme et la Femme allaient pouvoir retourner à de plus saines occupations : dormir, guincher, jouer aux cartes... Aujourd'hui, les Hommes et les Femmes libérés pointent à l'ANPE. Ayant compris que la mécanisation entraînait la suppression d'emplois, la municipalité de Bruxelles a institué au début du siècle une taxe sur les moteurs. Ainsi la collectivité récupérait-elle pour ses citoyens privés de travail une partie des retombées du progrès. Comme les Bruxellois sont des gens de bon sens, ils viennent d'appliquer le principe aux écrans d'ordinateurs. Chaque société se voit donc taxer annuellement à la hauteur de 1000 francs belges (167 francs) par écran, ce qui rapportera chaque année, quelque 4,5 millions de francs au budget bruxellois. Une telle mesure appliquée en France engrangerait plus de 800 millions de francs : de quoi combler un tout petit peu le trou des Assedic. Ou financer un essai nucléaire.

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Numéro 39 (février 1996) : Confession virtuelle

Aujourd'hui, je suis allé faire un tour à Partenia, le diocèse numérique de Mgr Gaillot, en espérant y trouver un confessionnal. Après tout, c'est plus facile de se repentir chez soi avec un verre à la main que de faire la queue à Notre-Dame. Surtout en hiver. C'est que, figurez-vous, j'avais plein de péchés virtuels à confesser. Par exemple, je m'accuse d'avoir fréquenté (pour les besoins de l'Information, bien entendu) un serveur pas très chrétien où figurent des créatures sataniques dans des poses outrageusement tentatrices. Il m'est aussi arrivé de jurer par le Saint Nom quand la connexion s'est interrompue en plein chargement de la Pin-up de janvier. Comme je n'ai pas trouvé de confessionnal à Partenia, j'ai simplement déposé un message. Prévoyant, j'ai recopié le Pater et l'Ave 150 fois (chacun) dans ClarisWorks. Vous allez dire qu'avec les commandes "Copier-Coller", ce n'est pas difficile. Mais je voudrais bien qu'on me montre la bulle papale, ou le passage du Canon, qui l'interdit. Ce n'est pas parce qu'on se repent qu'on doit s'interdire d'être moderne.

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Numéro 40 (mars 1996) : Du Chaos au Ko, en passant par l'existence de D.

Aujourd'hui, j'ai décidé de parler un peu théorie. En théorie, donc, un ordinateur ne fait que ce pour quoi il est programmé. En pratique, ce n'est pas systématiquement le cas. L'ordinateur n'a pas été programmé pour planter, ou alors qu'on me démontre le contraire. C'est ce que nous appellerons le principe de "l'Incertitude informatique", fondation de la Macanique quantique : "Un coup, ça marche, un coup, ça non-marche." Ce principe d'incertitude a fait l'objet de quelques explications hardies, comme celle du Big Freeze, selon laquelle trop d'Extensions dans un Système conduit invariablement au Néant. Cette application de la théorie du K.O. laisserait penser que le phénomène du plantage est purement aléatoire. Or il a été expérimentalement démontré par moi que mon Mac plante plante quand j'en ai le plus grand besoin. C'est donc que quelque chose ("ou quelqu'un ?" nous glisse M.J.-P. Deux, du Vatican) influe sur le Ko quantique. "Dieu ne joue pas au dés", disait Albert. Mais peut-être bien qu'il travaille chez Apple ? Ca expliquerait beaucoup de choses.

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Numéro 41 (avril 1996) : Pour devenir Maître du Monde

Extraits d'une conversation vécue :
"Et si je veux afficher une vidéo plein écran ?
- Pas de problème, me répond le programmeur, je t'arrange ça tout de suite.
- Et si je veux une représentation 3D de la tour Effeil, avec l'arc de Triomphe, Notre-Dame de Paris et les Invalides en arrière-plan ?
- Poh ! me répond le graphiste, c'est l'affaire d'une demi-heure !
- Et si je veux une base de données qui affiche en temps réel la définition de n'importe quel mot pointé dans un texte ?
- L'enfance de l'art, je te le fais en trois minutes." Bon.
"- Et sur cet écran, pourquoi est-ce qu'on lit m2 au lieu de m2 ?"
Silence navré, soupirs fatigués. Il faudra quelques heures de programmation ardue pour rendre justice à ce pauvre Gutenberg.
"Voilà tout le drame des informaticiens, dis-je, goguenard, vous ne pouvez pas vous empêcher de mettre la charrue avant les boeufs.
- Peut-être bien, me répond le chef de projet (un poil) vexé. Mais, de toi et de Bill Gates, lequel est devenu Maître du Monde ?"

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Numéro 42 (mai 1996) : La méfiance du taxi n'ébranle pas l'Internet

"L'Internet pourrit tout, fait le chauffeur de taxi en lorgnant mon portable dans le rétroviseur. Tous les mômes scotchés devant un écran toute la journée et qui font gagner des milliards aux américains en regardant des conneries...
- Vous savez on exagère beaucoup, réponds-je en m'installant sur la banquette. Internet, ce n'est ni plus ni moins qu'un Minitel à l'échelle planétaire."
Le bonhomme restait sceptique mais il a accepté de traverser tout Paris pour venir chez moi vérifier. Au lieu des galipettes érotico-virtuelles et autres cyberlatifs vantés par la télé, il n'a vu que la réalité du Web : du texte en anglais qui défile à n'en plus finir, des photos qui mettent des plombes à charger et des applications qui plantent. Du coup, le chauffeur a eu l'air déçu. "Je ne le voyais pas comme ça, a-t-il concédé. Ca ne vaut pas un clou et ça ne rapportera jamais rien à personne.
- C'est là que vous avez tort, j'ai répliqué. En me raccompagnant chez moi, vous m'avez fait économiser une course. Voilà déjà une preuve qu'Internet peut être rentable !"

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Numéro 43 (juin 1996) : Jamais perdu sur la route grâce à Alice et à un PowerBook

"Ce coup-ci, on est paumés, a dit Alice en lâchant le volant. J'aurais jamais dû prendre la bretelle à gauche. Et en plus, j'ai laissé l'atlas Michelin sur la télé.
- Bof t'en fais pas, j'ai répliqué en extirpant le PowerBook de sous le siège arrière. Je n'aurais jamais cru que je m'en servirais un jour, mais il y a là-dedans un logiciel de navigation routière, je ne te dis que ça !"
Le temps que le miracle informatique remue ses octets, et me voilà double-cliquant le nom du lieu le plus proche (Forges-les-Bains) et la destination (Brest).
Zou ! En un tournemain, le Mac me dicte le chemin, que nous suivons scrupuleusement malgré les remarques sceptiques d'Alice (mais les filles sont comme ça, elles n'ont jamais confiance dans la technologie)
Ce n'est qu'à notre arrivée à la douane allemande que le doute perce la matrice passive de l'écran. Bug ? Perversion du continuum spatio-temporel ? Que non. Continuez tout droit après Varsovie, Brest se trouve sur la frontière biélorusse (vérifiez vous-même).
L'ordinateur ne se trompe jamais.
Jamais.

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Dernière de P.G. à MW : Sur la route de Varennes [09/1996]

Il paraît que l'on a retrouvé récemment le brouillon du journal qu'à écrit Louis Capet (seizième du nom) pendant sa fuite vers Varennes. On a bien cru ne jamais connaître le contenu de ce brouillon, vendu près de 200 000 F à un riche collectionneur. La perte de ce document pour les archives de France est d'autant plus grave qu'il éclairait l'Histoire des extraits du fameux journal, Louis ayant confié à un de mes lointains ancètres cochers une disquette de back-up. Voici les passages les plus édifiants des notes royales, écrites en marge de commentaires longs et peu passionnants sur la médiocre qualité des CD-ROM consacrés à la serrurie.

"...20 juin de l'An de grâce 1791. Nous avons dû aujourd'hui quitter le palais d'extrême justesse, en emportant ce misérable PowerBook 5300. Nous lui confions nos pensées, comme nous recommandons notre âme à Dieu tout puissant. Nous avons juste eu le temps d'envoyer un mail à notre bon cousin Habsbourg, de recopier le fichier d'adresse sur le portable et de formater le disque dur qui contenait la base Politique Etrangère. Ces rustres sans culottes ne sauront rien contre Nous en cas de malheur."
Malheureusement pour Louis, Marat, qui dirigeait un atelier de PAO dans sa jeunesse, gardait toujours sur lui une copie de Norton UnEraser et s'est empressé de déchiffrer les données soit disant effacées, mais physiquement toujours présentes. Le courrier ainsi récupéré à cause de l'incompétence du Roi sera transmis au Tribunal Révolutionnaire.

"... 21 juin de l'An de grâce 1791. A peine Meaux. Nous n'avançons pas. Les cahots de la route rendent la frappe difficile. Nous allons demander à Marie-Antoinette de Nous prêter ses genoux. Par le Saint-Nom (que ce juron indigne Nous soit permis dans ces heures difficiles), suivre des yeux le curseur sur ces routes défoncées est un martyr. Nous n'aurions jamais du opter pour une matrice passive. Ce Duc d'Orléans qui nous a conseillé n'est qu'un fripon. (note en bas de page, qui démontre que Louis maîtrisait parfaitement le Word : "Mon cousin d'Orléans est au mieux un vendu, au pire un traître. Penser à changer tous mes morts de passe")."
Philippe d'Orléans avait en fait déjà piraté une partie des accès de Louis, en pénétrant sa messagerie. Le roi aurait pourtant pu connaître les dangereuses idées de son parent régicide simplement en consultant son adresse email : phikuooe.egalite@nation-net.fr

"... 23 juin de l'An de grâce 1791. Nous avons laissé Reims, où Nous avons pu un peu recharger les batteries. Je comptais travailler mais Marie-Antoinette m'a emprunté le PowerBook, soit disant pour écrire un courrier à sa cousine de Naples. Nous savons en fait qu'elle n'a fait que jouer à Tetris pendant trois heures. Nous n'en avons rien dit. Voilà pourtant bien la reine : frivole et insouciante, même aux heures les plus tragiques... Alors que Nous n'avons songé qu'à la la Grandeur de la France et à la gloire de Dieu. Puisse-t-il transférer un peu de sa puissance dans ma batterie, qui commence à flancher dangereusement. Les femmes sont la plaie de la micro-informatique, j'en ai peur. Si seulement nous savions comment créer un ramdisk... Comment donc s'appellait donc cette précieuse gazette mensuelle que lisait dans le temps aux Tuileries cet excellent ambassadeur des Amériques, Monsieur Frankin ? Il Nous faudra penser à Nous y abonner quand nous serons à Vienne."

"... 24 juin de l'An de grâce 1791. Nous n'en pouvons plus, ni Marie-Antoinette. Les frasques royales au Tetris ont sonné le glas de Nos batteries. Nous en entamons présentement les derniers watts, sans avoir eu le temps de recharger. Il Nous va falloir demander au cocher de Nous arrêter à Varennes pour recharger. J'espère que Nous n'en aurons pas pour plus de deux heures. Nous ne voulons pas faire courir de danger inutile à la Couronne. L'avancement de nos travaux l'exige cependant."

"... 25 juin de l'An de grâce 1791. Cette auberge de Varennes Nous paraît mal fâmée. Aussi devons-Nous écrire le plus discrètement, grimé en VRP pour cotonnades flamandes. Nous avons réussi à brancher le PowerBook au secteur sans trop éveiller l'attention. Nous détestons cette déplorable habitude qu'à l'aubergiste de regarder par-dessus Notre épaule. Nous allons changer aussitôt l'appellation du disque dur. "Sa Majesté Louis Le Seizième" Nous semble trop risqué dans ces contrées pénétrées par la sédition."

Ici s'arrêtent les notes du roi Louis. Il fut en effet promptement démasqué par l'aubergiste Auguste Gérard. Analphabète, ce dernier n'aurait pu déchiffrer le nom du royal fugitif. En revanche, Louis avait omis de changer l'icône du disque dur, qui le représentait de profil, et le fond d'écran à fleur de lys... Et voilà comment un roi de France fut perdu par la frivolité d'une reine, l'orgueil insouciant et par la légendaire faiblesse d'autonomie des batteries Nickel-Cadmium d'Apple. Ah, si Apple avait réussi à mettre au point de nouvelles batteries... Les NiMH* n'auraient-elles pas flambé , la tête de Louis en eût été sauvée.

*Nota bene : les batteries Nickel-Hybrides métalliques (NiMH) conçues à l'origine pour les portables PowerBook de la série 5300 avaient le fâcheux inconvénient de surchauffer jusqu'à l'embrasement. Elles ont été abandonnées et Apple est revenu à la technologie antérieure.

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