Marchand de cailloux (1991)


Marchand de cailloux

Dis papa quand c'est qu'y passe
Le marchand d'cailloux
J'en voudrais dans mes godasses
A la place des joujoux
Avec mes copines en classe
On comprend pas tout
Pourquoi des gros dégueulasses
Font du mal partout

Pourquoi les enfants d'Belfast
Et d'tous les ghettos
Quand y balancent un caillasse
On leur fait la peau
J'croyais qu'David et Goliath
Ca marchait encore
Qu'les plus p'tits pouvaient s'débattre
Sans être les plus morts

Dis papa quand c'est qu'y passe
Le marchand d'liberté
L'en a oublié un max
En f'sant sa tournée
Pourquoi des mômes crèvent de faim
Pendant qu'on étouffe
D'vant nos télés comme des crétins
Sous des tonnes de bouffe

Dis papa quand c'est qu'y passe
Le marchand d'tendresse
S'il est sur l'troittoir d'en face
Dis-y qu'y traverse
J'peux lui en filer un peu
Pour ceux qu'en ont b'soin
J'en ai r'çu tell'ment mon vieux
Qu'j'veux en donner tout plein

J'veux partager mon Mac Do
Avec ceux qui ont faim
J'veux donner d'l'amour bien chaud
A ceux qu'ont plus rien
Est-c'que c'est ça être coco
Ou être un vrai chrétien
Moi j'me fous de tous ces mots
J'veux être un vrai humain

Dis papa tous ces discours
Me font mal aux oreilles
Même ceux qui sont pleins d'amour
C'est kif-kif pareil
Ca m'fait comme des trous dans la tête
Ca m'pollue la vie et tout
Ca fait qu'je vois sur ma planète
Des intifada partout

Dis papa quand c'est qu'y passe
Le marchand d'cailloux
J'en voudrais dans mes godasses
A la place des joujoux
Mais p'têt' que sur ta guitare
J'en jett'rai aussi
Si tu t'sers de moi trouillard
Pour chanter tes conn'ries
 

L'aquarium

Enervé par la colère
Un beau soir après la guerre
J'ai balancé ma télé
Par la f'nêtre
Comme j'suis un garçon primaire
Je m'suis dit un militaire
Avec un peu d'bol s'la mange
En pleine tête

Libérés enfin mes yeux
Ont r'gardé l'scaphandrier
D'l'aquarium
Qui cherche un trésor planqué
Sous les cailloux bariolés
Pauv' bonhomme

Enervé par France Intox
Les F.M. et les juke-boxes
J'ai balancé ma radio
Par la f'nêtre
En priant pour qu'elle tombe pas
Sur la tronche du môme en bas
Le p'tit joueur d'accordéon
A casquette

Libérés mes deux oreilles
On écouté l'poisson rouge
D'l'aquarium
Qu'était content d'être tout seul
Qui f'sait juste un peu la gueule
Ou tout comme

Enervé par un bon Dieu
Que trouvais bien trop dang'reux
J'ai balancé ma vieille bible
Par la f'nêtre
Comme j'suis un garçon normal
Je m'suis dit un cardinal
Avec un peu d'bol s'la mange
En pleine tête

Libérée enfin mon âme
Est allée s'nicher au fond
D'l'aquarium
Dans une eau limpide et claire
Loin des centrales nucléaires
Loin des hommes

Enervé par ces gauchos
Dev'nus des patrons bien gros
J'ai balancé mon journal
Par la f'nêtre
Comme j'suis un garçon réglo
J'ai visé l'caniveau
Sûr d'y trouver l'édac-
Teur en chef

Libérée enfin ma tête
A rejoint l'scaphandrier
D'l'aquarium
Qui cherche un trésor planqué
Sous les cailloux bariolés
Pauv' bonhomme

J'suis un peu l'scaphandrier
D'l'aquarium sur la ch'minée
J'suis un peu l'poisson rouge
Et c'st chouette
Je cherche un trésor planqué
L'amour et la liberté
Sous les cailloux bariolés
D'la planète

Libérée enfin ma terre
Des curés des journaleux
Des militaires
De tous les preneurs de tête
Qui provoquent sous ma f'nêtre
Ma colère
 

P'tit voleur

Enchristé depuis six mois je t'écris
Mon poteau
De derrière les murs de derrière la vie
Dis est-c'qu'y fait beau ?
Est-c'que dehors y'a des oiseaux ?
Ceux qu'je vois ici sont tatoués sur ma peau

j'avais déjà purgé ma peine
Avant même d'être ici toute ma vie
Z'ont pas compris ça les teignes
Qui m'ont puni
Que la vie fut une chienne
Avec moi comme avec ceux
Qui ont dans les yeux
Trop d'amour ou trop de haine
Ou trop des deux

Enchristé parc'qu'un beau jour sans remords
J'ai taxé
Un putain d'vélo même pas en or
Pis deux trois conneries des trucs de pauvres
Des trucs pas beaux
Un autoradio une montre ou un stylo

j'avais déjà purgé ma peine
Avant même d'être ici toute ma vie
On m'a jamais dit "Je t'aime"
Eh ben tant pis
Si la vie fut une chienne
Avec moi comme avec ceux
Qui ont dans les yeux
La braise la cendre
Le feu

Tu ris tu pleures tu vis
Pis tu meurs
Trois p'tits tours et pis s'en vont les p'tits voleurs

Barreau garrot une corde
A bientôt
En enfer au paradis ou au bistrot

Salue Manu Pierrot
Et Angelo
Dis-leur bien que l'amitié ça tient chaud

Tu ris tu pleures tu vis
Pis tu meurs
Trois p'tits tours et pis s'en vont les p'tits malheurs

Tu ris tu pleures tu vis
Pis tu meurs
 

Olé

Olé les belles étrangères à étrangler
Fichus Souleiados robes de chez Lacroix
Les pétasses au soleil des longs étés framboises
Posent leur cul bronzés qu'un con honorera
Sur la pierre fatiguée des arènes nîmoises

Et puis pour une flotte en ballerines noires
Qui arrose bientôt le sable d'un sang bovin
Se pâment sur l'épaule de leur mac d'un soir
Et mouillent la soie fine de leurs dessous coquins

Olé les belles étrangères à étrangler
Les yeux plantés profond dans ceux du matador
Descendant quelquefois vers le membre latin
Serti comme une pierre dans le satin et l'or
Elles rougissent un peu et pensent "quel engin"

Puis elles vont pieds nus dans leurs fragiles blouses
Par les ruelles chaudes quand la ville s'embrase
S'imaginent gitanes provençales andalouses
Toutes sont parisiennes pire encore niçoises

Olé les belles étrangères à étrangler
Les pétasses finissent dans quelque bodéga
Ecoutant Gipsy King dansant et criant fort
Avant d'aller vomir toute leur sangria
Enfin dans le rétro poussiéreux
D'un camion des poubelles à l'aurore
Se remaquillent un peu
 

Les dimanches à la con

Boule de gomme et p'tit mystère
Je m'demande si y'a d'quoi faire
Une chanson
Du parfum d'Amsterdamer
Qui sortait d'la pipe en terre
Du tonton
De mes bobos sur les coudes
Du bruit d'la machine à coudre
Dans l'salon
Pis du gros chagrin surtout
De ma p'tite frangine qui boude
Pour de bon

Mais la nostalgie tu sais
Autour de quarante balais
Quand ça t'chope
Ca t'donne envie d'te r'tourner
Sur toutes ces journées ratées
Sans tes potes
Ca t'donne envie d'retrouver
Et tes billes et tes cahiers
Et ta gomme
Et d'pardonner à ta mère
D'avoir jamais bien sur faire
La tarte aux pommes

Les dimanches à la con
De quand j'avais disons
Dix ans
Me reviennent souvent
Pas toujours mais mettons
Tout l'temps

'Vec les frangins on s'luttait
On s'balançait des coups d'pied
Sous la table
Pour avoir l'blanc de poulet
Que la mère nous découpait
Equitable
Pis on f'sait dans nos assiettes
Avec la purée toute bête
Au milieu
Des p'tits volcans super chouettes
Qui mettaient dans nos p'tites têtes
Du ciel bleu

Boule de gomme et p'tit mystère
Je m'demande si y'a d'quoi faire
Trois couplets
De ces journées sans lumières
Des gâteaux d'anniversaires
Partagés
De ces bouteilles de clairette
Qu'on détestait en cachette
Pis d'l'angoisse
De ces heures devant la f'nêtre
A regarder une bicyclette
Juste en face

Les dimanches à la con
De quand j'avais disons
Dix ans
Me reviennent souvent
Pas toujours mais mettons
Tout l'temps
Les dimanches à la con
D'mes automnes monotones
D'enfant
Faisaient d'moi un santon
Sur le tapis du salon
Y'a cent ans

Dans cet ennui accepté
Les après-midis passaient
En silence
Quand les lumières s'allumaient
C'est toute la nuit qui tombait
Sur l'enfance
Ca sentait déjà l'école
Les cartables les tubes de colle
Du lend'main
On priait pour que coup d'bol
On s'réveille avec une rougeole
Au matin

Les dimanches à la con
De quand j'avais disons
Dix ans
Me reviennent souvent
Pas toujours mais mettons
Tout l'temps
Les dimanches à la con
D'mes automnes monotones
D'enfant
Faisaient d'moi un santon
Sur le tapis du salon
Y'a cent ans
 

Dans ton sac

En cherchant les clés d'l'auto
J'ai fouillé comme un salaud
Dans ton sac
J'ai mis un sacré boxon
J'ai tout chamboulé dans ton
Bric-à-brac
C'est pas des plus élégants
Ca r'ssemble à un mauvais plan
Une arnaque
J'voulais connaître tes secrets
Au risque de me manger
Quelques claques

J'ai découvert des trésors
Qui m'ont fait t'aimer encore
Un peu plus
J'suis resté émerveillé
D'vant un beau carnet d'tickets
D'autobus
Un mouchoir tout bien plié
Qui t'a jamais vu pleurer
Ou si peu
P't'être que j'suis si mauvais mec
Qu'j'ai rendu ton coeur tout sec
Pis tes yeux

J't'ai piqué un Stimorol
Ca a un vieux goût d'pétrole
Mais c'est good
J'aime bien ça les bonbons bleus
Pis ça change du vert pisseux
D'Hollywood
Mais j'ai pas touché tes clopes
Tes Rothmans je les boycotte
Sauvagement
Le tabac sud-africain
Ca pollue aussi les mains
J'me comprends

En farfouillant de plus belle
Dans ton délicieux bordel
J'ai trouvé
Accroché 'vec un trombonne
Une petite carte un téléphone
Griffonné
J'ai failli app'ler pour voir
Si j'tombais sur un grand noir
Culturiste
J'ai pas osé j'ai eu peur
De déranger ton coiffeur
Ton dentiste

Ben voyons tu t'emmerdes pas
C'est toi qu'as cette photo-là
Je l'adore
C'est la seule que j'ai pris d'nous trois
'Vec mon chien qu'était à moi
Pis qu'est mort
J'pouvais la chercher longtemps
Planquée sous ta paire de gants
Au milieu
D'tes crayons à maquillage
D'ta collec' de coquillages
Merveilleux

Ton agenda Filofax
Il a dû t'coûter un max
Je rigole
Tes copines ont toutes le même
Mais il est joli quand même
Ma parole
V'là ton beau stylo doré
S'appelle "Reviens" j'le connais
Pis pas loin
Une souris blanche égarée
Pour les s'maines d'amour férié
Tatatsin

Faire le sac des dames c'est moche
Si tu veux tu m'fais les poches
Pour t'venger
Mais t'y trouv'ras presque rien
L'plus souvent y'a qu'mes deux poings
Bien serrés
Si j'les ouvre y'a tout l'amour
Que j'ai pour toi d'puis toujours
Qui s'envole
Alors je les garde bien fermés
Comme ça j'garde aussi les clés
D'la bagnole
 

Le tango des élus

Et dire que chaque fois que nous votions pour eux
Nous faisions taire en nous ce cri "Ni Dieu ni maître"
Dont ils rient aujourd'hui puisqu'ils se sont fait dieux
Et qu'une fois de plus nous nous sommes fait mettre
 

La ballade nord-irlandaise

J'ai voulu planter un oranger
Là où la chanson n'en verra jamais
Là où les arbres n'onnt jamis donné
Que des grenades dégoupillées
 
Jusqu'à Derry ma bien aimée
Sur mon bateau j'ai navigué
J'ai dit aux hommes qui se battaient
Je viens planter un oranger
 
Buvons un verre, allons pêcher
Pas une guerre ne pourra durer
Lorsque la bière et l'amitié
Et la musique nous feront chanter
 
Tuez vos dieux à tout jamais
Sous aucune croix l'amour ne se plaît
Ce sont les hommes pas les curés
Qui font pousser les orangers
 
Je voulais planter un oranger
Là ou la chanson n'en verra jamais
Il a fleuri et il a donné
Les fruits sucrés de la liberté
 

Cinq cents connards sur la ligne de départ

Cinq cents connards sur la ligne de départ
Cinq cents blaireaux sur leur moto
Ca fait un max de blairs
Aux portes du désert
Un paquet d'enfoirés
Au vent du Ténéré

Le rallye mécanique
Des Mad Max de bazar
A r'commencé son cirque
Au soleil de janvier

Vont traverser l'Afrique
Avec le pied dans l'phare
Dégueulasser les pistes
Et revenir bronzés

Ravis de cet obscène
Et pitoyable jeu
Belle aventure humaine
Selon les journaleux

Cinq cents connards sur la ligne de départ
Cinq cents couillons dans leur camion
Ca fait un max de blairs
Aux portes du désert
Un paquet d'enfoirés
Au vent du Ténéré

Passe la caravane
Et les chiens n'aboient plus
Sous les roues des bécanes
Y'a du sang répandu

C'lui des quelques sauvages
Qui ont voulu traverser
Les rues de leur village
Quand vous êtes passés

Comme des petits Rommel
Tout de cuir et d'acier
Crachant vos décibels
Aux enfants décimés

Cinq cents connards sur la ligne de départ
Cinq cents guignols dans leur bagnole
Ca fait un max de blairs
Aux portes du désert
Un paquet d'enfoirés
Au vent du Ténéré

Combien d'années encore
Ces crétins bariolés
F'ront leur terrain de sport
D'un continent entier

Combien d'annés enfin
Ces boeufs sponsorisés
Prendront l'sol africain
Pour une cour de récré

Dans leurs joutes odieuses
Les bonbons bien au chand
Au fond de leurs délicieuses
Combinaisons fluo

Cinq cents connards sur la ligne de départ
Cinq cents blaireaux sur leur moto
Ca fait un max de blairs
Aux portes du désert
Un paquet d'enfoirés
Au vent du Ténéré
 

Tonton

Bonhomme qui va austère
Au milieu des landes des bruyères
Silhouette insolite
Bloc de granit
Tonton foule la terre
Lentement
Comme le temps

Le temps qui pourtant emporte
Les idées les hommes et les amours mortes
Le temps qu'il lui reste
Dans la même veste
Avant de n'être plus
Qu'une statue
Un nom de rue

Il a son beau chapeau
Il a son long manteau
Il a son chien le brave
Le gros qui bave
Il a le regard des sages
Il est la force tranquille sereine
Il est comme un grand chêne
Il sait la futilité
De toute chose
La douceur et
La fragilité des roses

Bonhomme qui va austère
Au milieu des landes des bruyères
Silhouette insolite
Bloc de granit
Tonton foule la terre
En sifflottant
Comme le vent

Le vent qui pourtant emporte
Son joli chapeau que le chien rapporte
Il est plein de bave
Ce n'est pas bien grave
Un chapeau ça se lave
Mais ça fait sale
Et Tonton râle

Tonton est en colère
Tout va de travers
L'Histoire la gloire tout foire
Parc'que ce soir
Le vieil homme a c'est dur
Un caillou dans sa chaussure
Un vieux rhume qui dure
Et puis cette nuit misère
Il a rêvé
Qu'un beau jour
La gauche revenait

Tonton s'en va
A petits pas
 

Je cruel

Quand elle est montée sur ma mouche
Je l'ai derrée comme une salaud
Mais je l'ai embrassée sur la bouche
Avant de la remettre à l'eau

Ma jolie farouche
Retourne vite te cacher
Sous un caillou sous une souche
Pour vivre libre vis planquée

Tu viens d'échapper à la mort
Te crois pas pour autant sauvée
Chaque fois que revient l'aurore
C'est la vie le vrai danger

C'est un jeu cruel
Mais c'est la vie ma jolie condamnée
C'est parc'que tu es belle
Parc'que je t'aime que je suis sans pitié

C'est un jeu cruel
Mais c'est la vie pour l'éternité
C'est parc'que tu es belle
Parc'que je t'aime qu'un jour je te tuerai

Quand tu t'es pendue à mon cou
Je t'ai ferrée comme un salaud
Je t'ai embrassée partout
Mais je t'ai gardée tout contre ma peau

Joli coeur et joli bouche
Tu peux toujours te planquer
Sous un caillou sous une souche
Je t'ai pris ta liberté

C'est un jeu cruel
Mais c'est l'amour ma jolie ma sucrée
J'ai coupé tes ailes
Lorsque je t'ai prise dans mes filets

C'est un jeu cruel
Mais c'est l'amour pour l'éternité
C'est parc'que tu est belle
Parc'que je t'aime que je t'aime enchaînée
 

C'est pas du pipeau

Marche près de moi
Va pas t'éloigner
Attention Lola
Les rues sont piégées

Tâche ma colombe
De pas mettre un pied
Sur les lignes sombres
Entre les pavés

Sinon c'est l'enfer
Archi assuré
Sinon c'est la galère
Pour l'éternité

C'est pas des histoires
C'est pas du pipeau
Fais gaffe à l'abîme
Près du caniveau

Y'a que les enfants
Qui savent éviter
Ces sacrées rayures
Qui nous font tomber

Tu sais que les grands
Ceux qu'on s'ra jamais
Suivent leurs chaussures
Sans rien regarder

Nous piétineraient même
Tranquilles pour un peu
Tout ça parce qu'on s'aime
Qu'on vit pas comme eux

C'est pas des histoires
C'est pas du pipeau
Fais gaffe aux adultes
A leurs godillots

N'ouvre pas la porte
Y'a sûr'men un loup
Faudrait pas qu'y sorte
Du fond de son trou

Pourrait bien la bête
Nous bouffer tout cru
En voyant nos têtes
A nous qui avons cru

Si souvent le soir
L'entendre hurler
Au bout du couloir
Ou sous l'escalier

C'est pas des histoires
C'est pas du pipeau
Fais gaffe à ses griffes
Evite ses crocs

Y'a que les enfants
Qui savent aimer
Les loups noirs ou blancs
Qui nous font trembler

Tu sais que les grands
Ceux qu'on s'ra jamais
Méprisent souvent
Les chiens sans collier

Leur préférant même
Les agneaux pour peu
Qu'ils plient sous les chaînes
Et bêlent comme eux

C'est pas des histoires
C'est pas du pipeau
Fais gaffe à jamais
Suivre les troupeaux
 

Ma chanson leur a pas plu (suite)

Mon disque était terminé
Y m'restait trois quatre chansons
Qu'j'voulais pas foutre au panier
Qu'étaient vraiment trop canon
'Lors je m'suis dit rebelote
Une fois de plus j'vais essayer
De les r'fourguer à des potes
Des fois qu'eux y s'raient plantés

'Lors j'ai rencontré Souchon
Devant l'école maternelle
Y finissait son biberon
En jouant à la marelle
C'était sa nouvelle façon
D'aller à cloche-pied au ciel

J'lui ai dit excuse-moi La Souche
J'ai une chanson très mignonne
Qu'tu peux chanter sous ta douche
Ou devant beaucoup d'personnes
C'est l'histoire du P'tit Toto
Sur le pont du Titanic
Il a perdu son cerceau
Son pauvr' petit coeur panique
Alors y s'jette à l'eau
Et y meurt un peu noyé
Mais à la fin manque de pot
Cui qui dit c'est çui qui y est

Qu'est-ce 't'en penses de ma chanson ?
Tu la veux pas ah bon
C'est pas grave j'vais aller voir
Un chanteur de rock un noir

'Lors j'ai filé au Québec
Pour rencontrer Roch Voisine
J'l'ai trouvé tellement beau mec
Que j'ai pris trois aspirines
Ma maman avait raison
J'aurais dû me faire bûcheron

J'lui ai dit 'vec un grand sourire
Ecoute un peu ça calice
Ma chanson elle est pas pire
Elle s'appelle "Je l'aime en crisse"
C'est l'histoire un peu niaiseuse
D'un maudit bum de Montréal
Y rencontre une shampouineuse
Un soir sur le mont Royal
Quand elle voit sa Camaro
Elle tombe vraiment en amour
Quand y vout ses gosses le salaud
Il l'abandonne dans la neige

Qu'est-ce 't'en penses de ma chanson ?
Tu la veux pas ah bon
C'est pas grave j'vais aller voir
Un chanteur de blues un noir

'Lors j'ai filé un rencard
A Goldman dans un milk-bar
Je l'ai r'trouvé dans l'frigo
En train d'convaincre un esquimau
Qu'y faut aimer son bâton
Qu'la vie n'est qu'un long glaçon

Ma chanson est bonne bonne
Elle chante la différence
Entre la poire et la pomme
Entre le bol et la chance
Car tout ce qui nous divise
Nous rapproche et nous éloigne
De tout ce que j'empoigne
Sur les miettes du balcon
Où je vois trimer le bonne
Quand sont passés les pigeons
Qui souillent mes géraniums

Qu'est-ce 't'en pense de ma chanson ?
Tu la veux pas ah bon
C'est pas grave j'vais aller voir
Un chanteur de jazz un noir

Manque de bol y m'restait plus
Qu'une chanson vraiment craignos
Je tombe sur un trou du cul
Que rev'nait de Roland-Garros
Une espèce de tête pleine d'eau
Robinet derrière la nuque

J'ui ai dit excuse-moi mecton
Tu voudrais pas faire chanteur ?
T'est largement assez con
Et t'est beau comme un docteur
J'ai une chanson qui s'appelle
"Elle f'sait du vélo sans selle"
On l'enregistre dès ce soir
Et demain t'es une rock-star
On a fait effectiv'ment
Numéro Un tout l'été
Et c'était tell'ment navrant
Que Libé a adoré

Alors pour le remercier
Je m'suis abonné pas con
J'ai toujours besoin d'papier
Pour emballer mes poissons
 

Tant qu'il y aura des ombres

Tant qu'il y aura des ombres
Des truites et des vandoises
Croule la terre craque le monde
Nous irons dans les eaux turquoises
Les rivières profondes

Du matin clair au soir qui tombe
Quand le ciel soudain s'embrase
Nous sommes et resterons bon nombre
A guetter la bête sournoise
Et ses reflets d'argent dans l'ombre

Tant qu'il y aura des ombres
Nous les deux pieds dans la vase
Oublierons pour quelques secondes
Qu'il ne changera jamais de base
C'est abominable monde

Avant la grande hécatombe
Avant qu'on ne nous écrase
Sous une averse de bombes
Qui noiera ce monde nase
Nous les chevaliers de l'onde
Garderons le coeur turquoise

Tant qu'il y aura des ombres
Des truites et des vandoises...